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La vaccination « universelle » contre les papillomavirus : un enjeu de santé publique essentiel

Le présent article rédigé par Mme Léa Bernard, Doctorante en droit public, Université Toulouse 1 Capitole, Institut Maurice Hauriou, s’inscrit dans le cadre de la 5e chronique en Droit de la Santé du Master Droit de la Santé (UT1 Capitole) avec le soutien du Journal du Droit Administratif.

par Mme Léa Bernard, Doctorante en droit public,
Université Toulouse 1 Capitole, Institut Maurice Hauriou

Propos liminaires : cet article n’a pas vocation à prôner la vaccination contre le(s) papillomavirus, bien au contraire, nous avons conscience de la liberté de chacun sur ce sujet. Nous ne tentons ici, que d’expliquer pourquoi la vaccination contre le papillomavirus a été ouverte « universellement » en 2020. Pour plus de compréhension, les termes « ouverture à la vaccination » signifient que le vaccin est remboursé par l’assurance maladie. Également, nous souhaitons attirer votre attention sur les recommandations de la Haute autorité de la santé pour trouver plus d’éléments, particulièrement des études sur la sécurité des vaccins, des propos contre la vaccination ou bien des arguments en sa faveur, ainsi que les études d’acceptabilité du vaccin, qu’elles soient françaises ou internationales.  


Les papillomavirus ou HPV pour Human Papilloma Virus, sont des virus sexuellement transmissibles et qui comptent plus d’une centaine de variants[1]. Les conséquences d’une infection peuvent aller, selon le type de HPV, de verrues anogénitales, lésions précancéreuses du col de l’utérus, du vagin, de la vulve, de l’anus, cancer de la sphère ORL, cancer de l’anus, cancer de la vulve et du vagin et cancer du pénis[2].

Nous insistons sur le fait que les papillomavirus, sont responsables chaque année de 100% des cancers du col de l’utérus[3], environ 3 000 femmes sont touchées par ce cancer et 1000 en décèdent[4].  Autre exemple, en 2015, toujours selon la Haute Autorité de Santé, 360 cas du cancer de l’anus sont attribuables aux infections HPV ce qui représente 91.3% de proportion de cas attribuables.  A l’échelle mondiale, 5% des cancers sont issus d’une infection liée aux papillomavirus[5].

Au-delà de la maladie, qui dans toutes ses formes fait souffrir physiquement les malades, l’infection fait également souffrir psychologiquement. En effet, la personne peut craindre d’en parler à un professionnel de santé, à son ou ses partenaire(s), de le(s) contaminer et ainsi affecter négativement sa qualité de vie en favorisant l’exclusion sociale[6]. Les HPV sont particulièrement trompeurs, en effet on estime que la plupart les infections liées à un HPV sont asymptomatiques et bénignes. Il est estimé que 80% femmes ou hommes contractent un papillomavirus une ou plusieurs fois au cours de leur vie[7] et que 90 % des infections sont éliminées naturellement dans les deux ans[8].  Pourtant, l’infection persistante n’apparait que bien plus tard et c’est pourquoi les professionnels recommandent les dépistages (notamment chez les femmes à partir de 25 ans).

La plan cancer 2014-2019[9] avait pour objectif d’atteindre 60% de couverture vaccinale des femmes, c’est-à-dire que pendant ces cinq années, 60% des jeunes femmes auraient reçu au moins deux doses[10], notamment par un renforcement de la mobilisation des médecins traitants[11].Les autorités de santé françaises ont démontré que le cout-efficacité, c’est-à-dire le cout du vaccin et le bénéfice attendu, n’était pas intéressant pour l’ouverture à la vaccination universelle si l’objectif de 60% de couverture vaccinale pour les femmes était atteint. Or, selon les dernières enquêtes de 2018, la couverture vaccinale était de 24% pour un schéma complet c’est-à-dire au moins deux doses[12], et 30% pour une dose.

14 ans après le début des premières vaccinations, l’arrêté du 30 novembre 2020 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux[13], permet une vaccination universelle contre le papillomavirus, car les vaccins sont désormais remboursables pour tous les genres et toutes les préférences sexuelles. Ils peuvent donc participer à l’immunité de groupe tant recherché lors des premières années de la vaccination, mais aussi pouvoir se protéger et protéger le ou leur partenaire(s) quel que soit son genre. Surtout, ce droit à la vaccination permet d’intégrer l’ensemble de la population au sein d’un enjeu de santé publique, alors qu’au départ cette mesure appartenait essentiellement aux femmes. Pourtant, selon les dernières recommandations du Haut conseil de santé publique[14], la priorité restait l’augmentation de la couverture vaccinale des filles. Nous nous sommes alors demandé, si l’arrêté du 30 novembre 2020 élargissant la vaccination universelle s’est-il basé uniquement sur une logique économique, c’est-à-dire que le cout-efficacité devenait avantageux dans la vaccination universelle ?

Dans le premier temps, la vaccination n’était ouverte que pour les femmes et ce pour éviter principalement des lésions cancéreuses pouvant donner lieu à de nouveaux cas de cancer, car les infections liées au HPV touchent en majorité les femmes, avec environ 4580 nouveaux cas de cancer par an en France[15]. Ce n’est que par la prise en compte de nouveaux cas d’infections liées aux HPV, comme enjeu de santé publique, que le gouvernement fait le choix d’ouvrir la vaccination à d’autres personnes sous conditions, mais pas encore de manière universelle puisque les hommes hétérosexuels en sont exclus, du moins les études cout-efficacité démontraient que cela n’était pas bénéfique (I). Néanmoins, la couverture vaccinale est restée basse, et ce pour différentes raisons, ne permettant pas de créer une immunité de groupe. Dans un second temps, la balance cout-bénéfice devenait alors intéressante pour ouvrir la vaccination universelle, pourtant c’est sur des raisons principalement d’équité et ayant pour objectif de mettre fin à une discrimination basée sur le genre et les préférences sexuelles que se base cette décision (II).

I. Le choix d’une vaccination limitée :
le rapport cout-efficacité
d’une couverture vaccinale française

Les papillomavirus sont des maladies très contagieuses, les infections se transmettent par rapports sexuels, mais aussi via la main et la bouche. «. Les rapports sexuels protégés ne constituent donc pas une garantie absolue d’éviter la contagion. Ils réduisent simplement les risques de propagation du virus[1]. » Comme précisé en amont, 90% des infections peuvent être éliminées naturellement. C’est lorsque certaines infections liées à un type de HPV, à titre d’exemple le HPV 16 et 18[2], persistent qu’ils provoquent des lésions qui sont susceptibles, plusieurs années après, d’évoluer en cancer. « Les HPV 16 et 18 sont détectés dans environ 70 à 80 % des cancers anaux et 80-90 % des cancers de l’anus HPV-positifs. Ils sont aussi détectés dans 55 à 60 % des cancers du vagin, 48 % et 40 % respectivement des cancers du pénis et de la vulve. »[3] C’est pourquoi les professionnels de santé et les autorités de santé, recommandent des dépistages.

Le début de la vaccination est ouvert aux filles en 2007. Selon le Haut Conseil de Santé Publique, la cible vaccinale a été déterminée par la prise en compte de trois considérations « L’âge des premiers rapports sexuels ; Les incertitudes concernant la durée de protection ; L’absence d’études autorisant des co-administrations[4](c’est-à-dire en même temps qu’un autre vaccin). » Le Conseil supérieur d’hygiène publique de France a recommandé « la vaccination des jeunes filles de 14 ans, afin de les protéger avant qu’elles ne soient exposées au risque de l’infection. Il a aussi recommandé que le vaccin soit également proposé aux jeunes filles et jeunes femmes âgées de 15 à 23 ans qui n’auraient pas eu de rapports sexuels ou au plus tard, dans l’année suivant le début de la vie sexuelle[5] ». Ainsi, dans le premier temps de la vaccination l’objectif est de réduire les cancers qui touchent en majorité les femmes comme celui de l’utérus.

A partir de 2012, la vaccination est également ouverte aux personnes immunodéprimées[6] ou aspléniques[7]. De plus, la vaccination pour les filles est abaissée à 11 ans et le rattrapage à partir de 15 ans à 19 ans. L’idée est de vacciner plus tôt car la couverture vaccinale était insuffisante après 2007 et parce que les autorités de santé avaient obtenu des résultats positifs des différentes études, qui soulignaient la possibilité de coadministrer une dose de vaccin de papillomavirus avec celui de la diphtérie-tétanos-polio-coqueluche[8] . Néanmoins, l’abaissement de l’âge a créé quelques freins. « L’incompréhension des parents sur l’indication à vacciner des jeunes filles prépubertaires avant le début de l’activité sexuelle pour 9 à 25%[9] […] [les parents] qui pensent que la vaccination contre les HPV favorise la promiscuité, ou encore que la prévention des IST ne concerne pas leurs enfants, ou encore de personnes qui ne sont pas à l’aise avec le fait de parler de la sexualité de leur enfant[10]. »

A partir de 2016, la vaccination va être également ouverte aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et jusqu’à l’âge de 26 ans. Selon les faits, « le risque de cancer du canal anal est 20 fois plus élevé chez les HSH que chez les hétérosexuels, les HSH infectés par le VIH étant la population la plus à risque[11] ». Il semble que l’ouverture à la vaccination des HSH est liée aux découvertes sur les cancers ORL, Anal et de pénis, du moins, leur prise en compte comme des objectifs de santé publique. D’autant plus, que s’il existait des dépistages pour prévenir ces lésions cancéreuses pour les femmes, comme le frotti par exemple, tel n’était pas le cas pour les autres formes de cancer, du moins, les études relatives à l’acte de dépistage du cancer anal étaient variables et il n’existait pas de recommandations précises, ni de consensus pour le traitement de lésions[12]. Donc, l’ouverture aux HSH comme moyen de se protéger et protéger ses partenaires des infections liées aux HPV est cohérente. Elle est considérée comme enjeu de santé publique et nécessite des actions venant des pouvoirs publics.

Cependant, nous souhaitons attirer votre attention, sur ce choix. En effet, si l’ouverture à la vaccination des HSH vise à répondre à un enjeu de santé publique, n’en est -elle pas moins discriminante ? En effet, si le but de la vaccination est de prévenir les infections avant le début de l’activité sexuelle, pourquoi ne pas vacciner l’ensemble de la population afin d’éviter aux personnes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes de se présenter comme tel pour pouvoir bénéficier de la vaccination ? Plus précisément, en vaccinant l’ensemble de la population avant le début d’activité sexuelle on évite de conditionner l’accès à la vaccination à la déclaration de leurs préférences sexuelles ou de leur genre.  Attention, nous ne disons pas que l’ouverture de la vaccination aux HSH est un mauvais élément, non bien au contraire, cette vaccination permet de participer à la couverture vaccinale de la population française et surtout de prévenir des cas de cancer.

Ce que nous souhaitons vous expliquer, c’est que la vaccination des HSH a été introduite parce que les femmes vaccinées ne protègent pas les HSH d’infections et que les cas de cancer du pénis et anal sont devenus un enjeu de santé publique. Or, en réservant la vaccination à certaines personnes, les pouvoirs publics créent une charge supplémentaire tant aux femmes qu’aux HSH. D’autant plus, qu’en autorisant la vaccination universelle, les pouvoirs publics auraient évité une discrimination basée sur le genre et les préférences sexuelles.

 Aussi, nous concevons que le spectre sexuel ne se détermine pas à un instant T et que celui-ci peut changer tout au long de notre vie. Vacciner toute la population c’était aussi permettre à des hommes qui se désignent comme hétérosexuels, d’avoir accès à un moyen de protection des infections lors de relations avec les femmes, mais aussi plus tard s’ils désignent une autre préférence sexuelle de pouvoir se protéger et protéger leur partenaire. 

En 2016, si le Haut Conseil de la Santé Publique n’ouvre pas la vaccination dite universelle, c’est parce qu’il juge que la couverture vaccinale des filles est suffisante pour protéger les hommes non considérés comme HSH. Pourtant, en 2014 « la couverture vaccinale pour une dose était de 17.6% à 15 ans, c’est le niveau le plus bas estimé depuis 2009. La baisse de la proportion de jeunes filles initiant leur vaccination HPV s’observe depuis trois ans et la couverture vaccinale a diminué de 8,7 % entre 2011 et 2014. La couverture vaccinale pour trois doses à 16 ans (jeunes filles nées en 1998) était de 17,2 %. Elle était de 28,3 % en 2010 soit une baisse de 11,1 %[13]. »

Selon différentes études médico-économiques et rapport Coûts efficacités, si le pourcentage de la couverture vaccinale est élevé chez les femmes, on a une réduction des infections HPV, ainsi qu’un bénéfice pour les générations plus âgées à travers l’immunité de groupe[14]. « Pour le même nombre d‘individus vaccinés supplémentaires, l‘augmentation de la couverture vaccinale chez les filles devrait offrir des avantages plus importants au niveau de la population que l‘inclusion des garçons. L‘avantage supplémentaire de vacciner 40 % des garçons, en plus de la vaccination de 40 % des filles, ne réduirait pas la prévalence des infections au HPV davantage que d‘augmenter la couverture vaccinale chez les filles seulement de 40 % à 80 %[15]. »

De plus, « Toutes les études médico-économiques sur la vaccination masculine comme stratégie complémentaire à la vaccination féminine, en considérant le cancer du col de l‘utérus comme la seule pathologie causée par l‘infection par le HPV, ont conclu que la vaccination des garçons n‘est pas une stratégie coût-efficace. Lorsque des études médico-économiques ont examiné le cancer du col de l‘utérus et les verrues génitales, elles n‘ont pas réussi à démontrer que l‘extension à un programme universel de vaccination d‘un programme existant pour les filles seulement, serait avantageuse en termes de coût-efficacité[16] » Or, dans ces études la seule pathologie causée par ces infections est le cancer du col de l’utérus. Comme le précise le Health Information and Quality Authority[17]  (HIQA) « le cancer du col de l‘utérus reste le principal facteur qui contribue au fardeau des maladies liées au HPV », toutefois, les infections des HPV peuvent entrainer d’autres cancers et c’est bien pour cela, que les pouvoirs publics ont ouvert la vaccination aux HSH.

 Pourtant le Haut Conseil de la Santé Publique, en 2016, s’est prononcé en défaveur d’une vaccination universelle « en considérant que le cancer anal restait rare, en particulier chez les hommes (sauf chez les hommes immunodéprimés et les HSH), que les condylomes anogénitaux ne constituaient pas un problème de santé publique (incidence modérée et absence de gravité), et que l‘impact épidémiologique serait probablement faible, compte tenu des couvertures vaccinales insuffisantes observées chez les filles et donc attendues chez les garçons. Donc, chez les hommes non HSH, il existe trop peu de cas de cancer anal pour que les rapport cout-efficacité d’une vaccination universelle soit intéressante. « Parmi les autres arguments en défaveur, le Haut Conseil de la Santé Publique rappelait que l‘équité de genre s‘apprécie à risque égal (ce qui n‘est pas le cas pour les cancers liés à l’HPV, car les risques sont plus élevés chez les femmes que chez les hommes), qu‘il s‘agit d‘une stratégie coûteuse par rapport à la vaccination ciblée des HSH au début de leur activité sexuelle, que l‘acceptabilité des garçons pourrait être plus faible que celle des filles et enfin, que l‘impact potentiel de la vaccination sur d‘autres cancers (notamment de la sphère ORL) n‘était pas documenté à ce jour[18]. »

Si les raisons économiques, c’est-à-dire que la stratégie vaccinale et les rapports cout-bénéfice au vu des risques sont plus importants chez les femmes, se tient, il n’empêche qu’elle ne fonctionne que si un nombre suffisant de femmes sont vaccinées. Pourtant, selon les chiffres présentés, la couverture vaccinale des femmes restait basse et ce pour diverses raisons.

Nous avons l’impression que si la couverture vaccinale des femmes était supérieure la question de la vaccination des hommes ne se poserait pas[19] alors que de nombreuses études internationales ont démontré le bénéfice d’une vaccination universelle et/ou en sont des exemples[20]. Plus précisément, la vocation première du vaccin contre les HPV avait pour but de réduire le nombre de cancers du col de l’utérus, donc de viser prioritairement les femmes.  De plus, les études en économie de la santé montraient bien que la vaccination masculine en plus de celle féminine était trop couteuse par rapport aux objectifs de santé publique de l’époque. Cependant, comme les autorités de santé le préciseront après, ouvrir la vaccination uniquement aux femmes ne protègent pas des infections liées à un HPV pour les HSH.

 C’est parce que l’on a pris en compte d’autres infections liées aux HPV comme enjeux de santé publique, tel que le cancer ORL, anal ou du pénis, que la vaccination limitée en devenait désuète et discriminante avec toute personne qui ne serait pas un homme hétérosexuel. Pourtant, cette équité de genre a été mise en avant dans les études d’acceptabilité du vaccin. « Les parents sont en faveur d’une vaccination sans distinction de genre, arguant que les deux sexes doivent être équitablement responsables dans la prévention des infections sexuellement transmissibles[21]. » La prise en compte de ce principe d’équité dans les études, met fin à une discrimination envers le genre et les préférences sexuelles, et pouvant faire croire que seules les femmes et les HSH véhiculent ou sont touchés par les infections.

II. La considération de notion d’équité
en faveur de la vaccination universelle

Si la stratégie vaccinale des femmes en lien avec les rapports cout efficace est pertinente, le fait est qu’en France, cette couverture vaccinale est trop faible pour protéger les hommes non HSH.

Pour commencer, il est important de préciser que le coût du soin, c’est-à-dire le prix du vaccin, peut être un frein. En effet, bien que l’assurance maladie rembourse le vaccin à hauteur de 65%, 35% restent à la charge de l’usager s’il ne possède pas de mutuelles ou d’assurances complémentaires, cela représente 100 à 150 €. A titre d’exemple le GARDASIL 9 0,5 ml en flacon (laboratoires MSD VACCINS) coûte 116.62 euros[1] donc 116.62*65% = 75.8€ (partie remboursée) donc 116.62 – 75.8 = 40.82 (les 35% restants) 40.82*3[2] = 122.46 à débourser si la personne n’a pas d’assurance complémentaire. Il est possible d’obtenir des vaccins gratuitement dans certains centres de vaccinations[3] et pour certaines pathologies[4].  

L’aspect financier, ne doit pas être négligé car il reste l’un des freins à la vaccination « L’analyse effectuée par Santé publique France à partir des données de l’Enquête santé et protection sociale (ESPS) conduite en 2012 par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) a montré qu’un faible revenu du ménage et l’absence de couverture complémentaire maladie privée étaient associés à des couvertures vaccinales HPV plus faibles chez les jeunes filles et à un recours moins fréquent au dépistage chez leurs mères[5] ». Les finances des foyers ne sont pas le plus grand frein à la vaccination, mais il s’ajoute au manque d’information. En effet, dans de nombreuses études[6] les patients ou les parents ont précisé qu’ils ne disposaient que de peu d’informations sur les vaccins et ou le calendrier vaccinal. Ce manque d’information ou d’accès à l’information peut résulter de différentes choses, la première étant l’absence de connaissance de la maladie et des infections qui y sont liées. Ensuite, parce que l’usager n’a pas l’information via un professionnel de santé. Enfin dans une proportion faible l’usager posséderait des craintes sur la sécurité du vaccin. « Le manque de recul vis-à-vis des effets secondaires est l’un des principaux motifs ayant conduit à la non-vaccination des jeunes filles ou encore, la connaissance d‘effets secondaires graves survenus dans leur entourage ou véhiculés par les médias[7]. »

 Il est vrai qu’en 2014 l’âge du premier vaccin a été baissé à partir de 11 ans, certains étaient dans l’incompréhension quant à cet abaissement et ils craignaient que le vaccin ne soit plus efficace lors du début d’activité sexuelle[8]. « Selon les données du Baromètre santé 2016, avec un focus particulier sur la vaccination, réalisé sur un échantillon national représentatif de la population française âgée de 15 à 75 ans, seuls 16,9 % des parents de jeunes filles âgées de 11-15 ans (n=959) avaient vacciné leur fille. Au total, 61,9 % d‘entre eux considéraient que la balance bénéfice-risque de cette vaccination était défavorable ou incertaine[9]. »

On peut souligner, les différentes campagnes de sensibilisation et d’information sur les vaccins, effectuées par les gouvernements. Néanmoins, les professionnels de santé restent les plus à même de pouvoir transmettre des informations et répondre aux diverses craintes des usagers. « Recevoir une proposition de vaccination par son médecin ou échanger à propos de la vaccination avec son médecin est le facteur le plus associé à une forte acceptabilité vaccinale dans de nombreuses études, et les parents citent fréquemment le fait de ne pas avoir reçu une proposition de vaccination de la part de leur médecin, comme la raison de ne pas avoir vacciné leur enfant[10]. »

Ainsi, le rôle des professionnels de santé est plus qu’important, car ce sont eux qui vont permettre un accès à l’information. Il convient de préciser que la loi Hôpital, patients, santé, territoire[11] de 2009 consacre pour les sages-femmes l’élargissement de certaines de leurs missions comme l’autorisation de réaliser des dépistages des cancers gynécologiques. Mais c’est véritablement la loi Touraine[12] qui permet aux sages-femmes de prescrire et administrer les vaccins jusqu’à l’âge de 19 ans. Les professionnels de santé sont le principal vecteur dans la transmission de l’information, en effet selon l’étude de Collange et autres[13] mené en 2014 avec 1712 médecins généralistes : « Au total, 72,4 % des répondants déclaraient recommander fréquemment la vaccination contre les HPV (toujours : 45,6 % et souvent : 26,8 %), 17,1 % la recommandaient parfois et 10,5 % des médecins ne la recommandaient jamais. La plupart des médecins (88,6 %) déclaraient ne pas avoir de difficultés à parler sexualité avec les jeunes filles durant les consultations, mais 26,9 % considéraient que la présence des parents était problématique[14]. »  

En plus des professionnels libéraux, l’instruction du 3 juillet 2015[15] relative à la mise en place de centre gratuit, consacre des centres, conformément à la loi de finance de la sécurité sociale de 2015, modifié par la loi Touraine et l’ordonnance du 17 janvier 2018[16] précise à l’article 3121-2 du code de santé publique que des centres assurent la prévention, le dépistage, le diagnostic et le traitement ambulatoire des infections sexuellement transmissibles, mais aussi de vaccination contre le papillomavirus.

D’autres instances, en septembre et février 2019, respectivement, l’académie nationale de pharmacie et de médecine ont appelé à la vaccination universelle et à la gratuité du vaccin.

Pourtant, le taux de couverture vaccinale des filles était, selon Santé Publique France, de 30% pour une dose à 15 ans et 24 % pour un schéma complet à 16 ans[17] en 2018. Or, comme examiné une couverture élevée permet une immunité de groupe mais aussi de faire baisser le nombre d’infections liées à un HPV chez les hommes et les femmes. Cependant cela n’est pas le cas en France, ainsi les études cout-efficacité montrent qu’il était judicieux de vacciner les hommes pour protéger la santé de tous. « L‘examen a conclu que les analyses médico-économiques publiées avaient démontré que l‘extension de la vaccination aux hommes hétérosexuels était rarement une stratégie coût-efficace [..]. Le rapport coût/efficacité de la vaccination universelle devient plus favorable lorsqu‘on envisage d‘autres maladies liées au HPV, et lorsque la vaccination des filles est faible (<40 %), sous réserve de l‘obtention d‘une couverture vaccinale élevée chez les garçons dans le programme de vaccination universelle[18]. »

A-t-on alors ouvert la vaccination universelle uniquement pour considération économique en lien avec le rapport cout- efficacité ? la réponse est négative. Si les études en économie de la santé sont un argument important à la vaccination universelle, le fait est que c’est surtout le principe d’équité des genres et le choix de mettre fin à la discrimination envers les HSH qui ont motivé les pouvoirs publics à ouvrir la vaccination universelle.

C’est l’un des éléments les plus pointés dans les différents rapports. C’est que justifier la vaccination pour les HSH c’est aussi justifier une discrimination. En effet, ce choix d’ouverture ferait croire qu’il n’y a que les femmes et ou les HSH qui peuvent avoir des infections de HPV. En ouvrant ainsi la vaccination aux hommes sans justification de préférence sexuelle on met fin à cette discrimination. De plus, parmi les arguments favorables à cet élargissement de la vaccination certains rappellent que la vaccination universelle s’observe déjà chez plusieurs de nos pays voisins[19].

 Le Conseil national du sida, recommandait déjà en 2017 « une stratégie de vaccination universelle afin d’augmenter la couverture vaccinale et lever les discriminations liées au genre et à l’orientation sexuelle. Ces préconisations ont été intégrées à la stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030 qui vise à atteindre un objectif de taux de couverture vaccinale contre les HPV de 60 % chez les adolescentes en 2023 et de 80 % en 2030[20]. »

Ensuite, faire supporter la vaccination dès 2007 sur les femmes uniquement, pouvait donner l’impression que seules les femmes étaient susceptibles d’être touchées par les infections et surtout « que les filles sont plus sujettes à des comportements de promiscuité, et que les filles sont responsables de la transmission des virus HPV[21] ». Or, et c’est bien ce que les études pour l’acceptabilité du vaccin ont démontré, les parents sont pour la vaccination universelle des deux sexes, afin de faire reposer équitablement le poids de la vaccination, mais aussi de pouvoir se protéger contre des infections liées aux HPV indépendamment de la couverture vaccinale des filles[22]. « Parmi les arguments ayant conduit à la recommandation d’une vaccination généralisée, [..] le respect du principe d’équité entre les deux sexes. […] la décision d‘étendre le programme de vaccination aux garçons, doit également tenir compte d‘importantes questions d‘éthique (le fardeau des maladies liées à l’HPV est en augmentation chez les hommes, en particulier chez les HSH, et vacciner tous les garçons avant le début de leur vie sexuelle permet de les protéger tous, sans discrimination, et sans stigmatisation des choix sexuels[23]). »

En conclusion la vaccination universelle permet de protéger les individus, sans considération de leur genre et ou leurs préférences sexuelles, avant le début de le leur activité sexuelle. Aussi, c’est une responsabilisation des deux sexes dans un enjeu de santé publique. Il existe encore des freins à cette vaccination, financier, par manque d’informations sur les infections liées aux HPV, mais aussi des doutes sur la sécurité du vaccin. Pour répondre à ces différents freins, les professionnels de santé restent les principaux acteurs favorisant l’accès à l’information.


[1] Données fondation contre le cancer https://www.cancer.be/les-cancers/facteurs-de-risque/le-papillomavirus-quest-ce-exactement.

[2] Haute Autorité de Santé « Élargissement de la vaccination contre les papillomavirus aux garçons » Recommandation Décembre 2019 P.15

[3] Institut national du cancer « 10 ARGUMENTS CLÉS SUR LA VACCINATION CONTRE LES INFECTIONS LIÉES AUX PAPILLOMAVIRUS HUMAINS (HPV) » p.1 https://www.cancer.be/le-cancer.

[4] Haute Autorité de Santé Op cit Recommandation vaccinale 2019 2019 P.16

[5] Haut Conseil de la Santé Publique « Place du vaccin Gardasil 9®dans la prévention des infections à papillomavirus humains » Collection Avis et Rapports 2017 p.8

[6] Idem.

[7] Fondation contre le cancer https://www.cancer.be/les-cancers/facteurs-de-risque/le-papillomavirus-quest-ce-exactement.

[8] Histoire d’une polémique : vaccination anti HPV et maladies auto-immunes. Vaccination info service 1e aout 2018 https://professionnels.vaccination-info-service.fr/Aspects-sociologiques/Controverses/Maladies-auto-immunes.

[9] https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/2014-02-03_Plan_cancer-2.pdf

[10] Selon le type de vaccin il est recommandé deux ou trois doses.

[11]  Action 1.2 : Améliorer le taux de couverture de la vaccination par le vaccin anti‐ papillomavirus en renforçant la mobilisation des médecins traitants et en diversifiant les accès, notamment avec gratuité, pour les jeunes filles concernées.  « Plan cancer 2014-2019 Guérir et prévenir les cancers : donnons les mêmes chances à tous, partout en France » 4 février 2014 P.20

[12] Certains vaccins contre le papillomavirus s’injectent en deux ou trois doses.

[13] Arrêté du 30 novembre 2020 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux.

[14] Haut Conseil de la Santé Publique 2016 https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=553

[15] Haute Autorité de santé                Op cit Recommandation vaccinale 2019 p.100.


[1] Fondation contre le cancer : https://www.cancer.be/les-cancers/facteurs-de-risque/le-papillomavirus-quest-ce-exactement.

[2] Haute Autorité de Santé Op cit Recommandation vaccinale 2019p.20.

[3] Haut Conseil de la Santé Publique Op cit p.8.

[4] Haut Conseil de la santé publique AVIS relatif à la révision de l’âge de vaccination contre les infections à papillomavirus humains des jeunes filles 28 septembre 2012 p.1

[5] Idem.

[6] « Une personne est immunodéprimée quand son système immunitaire ne fonctionne pas bien et qu’elle est donc plus vulnérable aux infections. » https://vaccination-info-service.fr/.

[7]« Absence de rate, d’origine congénitale ou due à une ablation chirurgicale. Par extension, le non-fonctionnement de la rate est appelé asplénie fonctionnelle. Celle-ci s’observe notamment dans la drépanocytose homozygote (maladie sanguine héréditaire responsable d’une anémie très grave). » Larousse Médical.

[8] Haut Conseil de la Santé Publique Place du vaccin Gardasil 9® Op cit p.6

[9] Idem p.35

[10] Haute Autorité de Santé Op cit Recommandation vaccinale 2019 t p.90

[11] Haut Conseil de la santé publique AVIS Op cit p.3

[12] Idem

[13] Ibid p.1

[14] Haute autorité de Santé Op cit Recommandation vaccinale 2019p.57

[15] Idem p.58

[16] Idem p.59

[17] L’Autorité d’information sur la santé et la qualité en Irlande.

[18] Haute autorité de Santé Op cit Recommandation vaccinale 2019 p.58

[19] Idem p.149

[20] Australie, Autriche, Belgique, Canada, Croatie, Danemark, Estonie, Etats-Unis d’Amérique, Finlande, Irlande, Italie, Liechtenstein, Norvège, République tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie.

[21] Haute autorité de Santé Op cit Recommandation vaccinale 2019 p.91


[1] Avis relatif aux prix de spécialités pharmaceutiques 26 septembre 2019.

[2] Dans le cadre d’un schéma complet à trois doses de vaccins.

[3]  Loi 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales article L 3111-11 Code de santé publique modifié par l’ordonnance n° 2018-470 du 12 juin 2018 procédant au regroupement et à la mise en cohérence des dispositions du code de la sécurité sociale applicables aux travailleurs indépendants.

[4] https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A14650

[5] Haut Conseil de la Santé Publique Place du vaccin Gardasil 9®Op cit 2017 p.35

[6] Dans une revue systématique internationale publiée en 2013 et portant sur 28 études qualitatives et 44 enquêtes collectées de 2004 à août 2011, les obstacles à la vaccination HPV étaient pour 55 % des parents, le manque d’information sur la vaccination HPV et les vaccins et leur sécurité ( Haut Conseil de la Santé Publique « Place du vaccin Gardasil 9®dans la prévention des infections à papillomavirus humains » Collection Avis et Rapports 2017 p.35) ; Santé publique France  l’enquête Rapport au sexe (ERAS) février-mars 2019.

[7] Haute autorité de Santé Op cit Recommandation vaccinale 2019 2019 p.80

[8] Idem p.77

[9] Rey D, Fressard L, Cortaredona S, Bocquier A, Gautier A, Peretti-Watel P, et al. Vaccine hesitancy in the French population in 2016, and its association with vaccine uptake and perceived vaccine risk-benefit balance. Euro Surveill 2018;23(17):17-00816.  http://dx.doi.org/10.2807/1560-7917.es.2018.23.17.17-00816 in Haute autorité de santé Op cit Recommandation vaccinale 2019 p.79

[10] Haute autorité de Op cit Recommandation vaccinale 2019 p.78

[11] LOI n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

[12] LOI n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé

[13] Collange F, Fressard L, Pulcini C, Sebbah R, Peretti-Watel P, Verger P. General practitioners’ attitudes and behaviors toward HPV vaccination: a French national survey. Vaccine 2016 .  http://dx.doi.org/10.1016/j.vaccine.2015.12.054 In de la Haute Autorité de Santé  Op cit Recommandation vaccinale 2019 p.115

[14] Collange F, Fressard L, Pulcini C, Sebbah R, Peretti-Watel P, Verger P. General practitioners’ attitudes and behaviors toward HPV vaccination: a French national survey. Vaccine 2016;34(6):762-8.  http://dx.doi.org/10.1016/j.vaccine.2015.12.054 in Haute Autorité de la Santé Op cit Recommandation vaccinale 2019 p 76

[15] INSTRUCTION N° DGS/RI2/2015/195 du 3 juillet 2015 relative à la mise en place des centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections par les virus de l’immunodéficience humaine et des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles.

[16] Ordonnance n° 2018-21 du 17 janvier 2018 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

[17] Fonteneau L, Barret AS, Lévy-Bruhl D. Evolution de la couverture vaccinale du vaccin contre le papillomavirus en France – 2008-2018. Numéro thématique – Prévention du cancer du col de l’utérus. Bull Epidémiol Hebdo 2019; in Haute autorité de santé Op cit Recommandation vaccinale 2019 p.9

[18] Haute autorité de Santé Op cit Recommandation vaccinale Décembre 2019 p. 59

[19] « États-Unis : la vaccination des garçons âgés de 11-12 ans était recommandée depuis fin 2011 avec un rattrapage des 13-21 ans. Australie : la vaccination des garçons âgés de 12-13 ans est recommandée depuis 2013 (27). En 2014, la couverture vaccinale des garçons âgés de 15 ans était de 60 % au niveau national pour trois doses (contre 73 % pour les filles) Autriche : la vaccination des garçons est proposée gratuitement depuis 2014. »

[20]  Haute autorité de Santé Op cit Recommandation vaccinale p.8

[21] Idem p.78

[22] Idem p.29

[23] Idem p.88